Un système de santé fondé sur la sélection
Les 14.500 psychologues hospitaliers pour 67.064.000 millions d’habitants (données INSEE) ont de longues listes d’attente et résistent autant que faire se peut à la pression du chiffre pour continuer à faire un travail de qualité. Les structures de la psychiatrie publique (CMP, CMPI et CMPEA) se voient imposer une profonde réorganisation dans le cadre de ce que le gouvernement nomme « parcours de soins gradué ». Anciennement « pivots » de la santé mentale, elles sont sommées de se transformer en structures de seconde, voire de troisième ligne. En clair, il leur est demandé de trier les très nombreuses demandes et d’en réorienter la majorité vers l’activité privé -dite soins de ville ou de première ligne- afin de ne traiter exclusivement que les troubles les plus sévères. Qu’advient-il alors des prises en charge psychologiques qui, rappelons-le, ne sont absolument pas remboursées ?
Dans le même temps, les CMPP pour enfants et adolescents connaissent un bouleversement de leurs missions qui n’est plus le soin mais « l’accompagnement » du handicap, registre dont relèvent désormais un grand nombre de difficultés des enfants (problèmes d’apprentissage ou de comportement) qualifiés de « troubles neuro-développementaux ». Quant aux jeunes patients souffrant d’autres problématiques, ils se trouvent ainsi renvoyés vers le libéral, payant, ou les CMP, saturés…
Des dispositifs au rabais pour toute réponse
Le constat est clair : la population générale ne peut plus accéder gratuitement à des psychothérapies, dispensées essentiellement par des psychologues. En réponse à ce manque criant, le gouvernement multiplie les dispositifs qui s’empilent sans cohérence d’ensemble.
Le 24/12/2020, le ministère a fait paraître un arrêté prévoyant dans le cadre du parcours de soin en oncologie la prise en charge d’un accompagnement psychologique sur prescription médicale. Celui-ci devra comprendre un bilan de 45€ suivi au maximum de 6 séances d’une demi-heure à 22€ chacune, pour un montant total plafonné à 180€ par an. Sous réserve que le médecin ne préfère pas un suivi diététique ou une activité physique adaptée car le forfait de 180€ concerne, au choix, les prises en charges diététiques ou psychologiques ou d’activité physique…
Le « chèque psy » : une ubérisation des psychologues ?
L’actualité récente a mis en lumière l’extrême précarité des étudiant.e.s et leurs difficultés psychologiques. Malheureusement ils/elles sont confronté.e.s à l’indigence des centres de santé universitaires au sein desquels les postes de psychologues pour venir en soutien de cette population font défaut. La réponse du gouvernement ? « Le chèque psy » soit 3 RV sur prescription du généraliste ou du Service de Santé Universitaire, renouvelable une fois, toujours sur prescription. Quant au psychologue, rémunéré 30€ la consultation, il doit fournir son numéro d’inscription Adeli, avoir 3 ans d’expérience et il lui est possible de travailler uniquement en téléconsultation. Le « chèque psy » pour les étudiants, c’est Uber pour les psychologues !
Des expérimentations qui montrent leurs limites
Depuis 4 ans la CNAM mène dans quatre départements un dispositif expérimental autorisant la prise en charge, dans un cadre précis, de psychothérapies réalisées par des psychologues en libéral : suivis accessibles uniquement sur prescription des généralistes, limités à 10 séances, renouvellement possible une fois après consultation d’un psychiatre, rémunération du psychologue au tarif indécent de 22€ la séance. Des restrictions absurdes pour pouvoir accéder à la psychothérapie : critères d’âge qui exclut les plus de 60 ans et les moins de 18 ans, interdiction qu’il y ait eu une quelconque prescription de psychotropes récente, « troubles » préalablement évalués à l’aide d’échelles de l’anxiété et de la dépression en sorte que si le patient est trop ou pas assez anxieux ou dépressif, il ne peut pas bénéficier de la prise en charge.
L’accès au suivi psychologique est un parcours du combattant, décourageant pour les patients comme pour les généralistes, qui doivent faire passer les échelles, opérer une sélection en fonction des critères, s’assurer auprès de la CPAM de l’accord initial et auprès du psychiatre d’une possible poursuite des soins. En attendant, dans ce contexte pandémique fortement anxiogène, ils prescriront encore davantage de psychotropes faute de solutions alternatives.
Une politique à très court terme
Malgré la profonde crise que la France traverse, les interventions des psychologues ne sont envisagées qu’à très court terme. Les professionnels se voient confier des missions dédiées sur des temps réduits, sur prescription médicale et à des tarifs indigents. Pour ce gouvernement, les psychothérapies et les thérapies de soutien psychologique demeurent des soins réservés à ceux qui peuvent se les payer !