De l’évaluation faisons table rase !
Psychologues : Notation/appréciation, Evaluation/entretien professionnel, Entretien de formation, Comment s’y retrouver ?
Le concept s’est imposé dans les établissements à partir du décret du 29 septembre 2010 qui mettait en œuvre une expérimentation pour les fonctionnaires et contractuel(le)s CDI visant à supprimer la notation pour la remplacer par une évaluation individuelle en fonction d’objectifs fixés annuellement. Cette expérimentation a pris fin en 2014 et n’a pas eu de suite réglementaire. Dans les établissements où elle fut expérimentée elle s’est avérée catastrophique : dégradation profonde des relations entre les personnels, perte de la moitié de la prime pour certains… Mais la terminologie et l’idéologie, à savoir assigner à chaque agent des objectifs à atteindre s’imposent progressivement dans la pratique managériale des établissements de santé sans aucune assise réglementaire !
Seule la notation est obligatoire pour les titulaires et les stagiaires
Si la notation a été supprimée dans la fonction publique territoriale, elle est toujours en vigueur dans la F.P.H selon l’arrêté du 6 mai 1959. Elle est censée rendre compte de la valeur professionnelle de l’agent. Souvent perçue comme infantilisante ou scolaire, elle a le mérite d’être encadrée par des règles clairement établies (critères d’augmentation d’un quart de point, d’un demi-point, de gel de note etc…). Elle est attribuée par l’autorité investie du pouvoir de nomination (comme stipulé dans l’article 65 de la loi 86-33 (relatif à la notation) du 9 janvier 1986), à savoir pour les psychologues, le directeur. Les agents insatisfaits de la proposition de note et/ou de l’appréciation peuvent faire un recours et porter une réclamation devant la Commission Administrative Paritaire où siègent les représentants élus du personnel, qui donneront un avis.
Rien ne fait obligation qu’elle dépende ou s’accompagne d’un entretien préalable à la notation qui n’existe pas dans les textes. Le directeur peut par contre prendre un avis auprès de la personne de son choix. De plus l’évaluation (qui ne concerne que les contractuels à partir de 2019) n’est pas le corollaire de la notation (qui concerne les titulaires), il est donc nécessaire de bien les différencier car elles s’appliquent à des agents sous statuts différents.
Depuis la récente réforme Parcours Professionnel Carrière et Rémunération, (dite PPCR) l’incidence de la notation sur la carrière est relativement faible : elle n’entre plus en jeu dans le passage d’échelon qui se déroule désormais selon un cadencement uniforme, avec une durée de temps identique pour tous dans chaque échelon. Elle sera prise en compte uniquement parmi les critères de calcul de la prime de service et de passage hors-classe. Dans ce dernier cas de figure, elle sera pondérée par d’autres éléments qui auront été fixés par l’établissement et votés en Comité Technique d’Etablissement.
Un entretien annuel ?
L’idée d’un entretien annuel préalable à la notation est plutôt considérée positivement par les agents qui pensent illusoirement avoir enfin l’occasion de s’exprimer sur leur travail. En effet, les personnels qui sont de plus en plus privés de reconnaissance au sein des équipes sont attirés par ce dispositif trompeur.
Cependant, quand cet entretien est proposé il y a plusieurs questions préalables à se poser : avec qui ? sur quoi ? dans quel cadre ?
Rappelons d’abord qu’il n’est pas obligatoire pour les titulaires et stagiaires et qu’on ne saurait sanctionner légitimement l’agent qui refuse un entretien annuel dans des conditions non conformes au statut : par exemple et comme cela a trop souvent lieu avec le médecin chef de pôle, ou médecin chef de service et/ou cadre de santé, voire une sorte de « jury » constitué des médecins responsables d’unités et du chef de pôle comme cela se voit parfois, ou le seul cadre de pôle…
Si entretien annuel il y a, il doit se dérouler avec le supérieur hiérarchique direct du psychologue, celui qui est investi du pouvoir de notation, le directeur ou par délégation expresse et écrite son représentant, la/le Direct-rice-eur des Ressources Humaines.
La délégation de compétence ne peut s’opérer du directeur au chef de pôle ni à un médecin responsable de service ou d’unité, conformément à la jurisprudence de Nancy, les praticiens hospitaliers n’étant pas des fonctionnaires et n’étant donc pas légalement en mesure de noter les fonctionnaires que nous sommes.
L’argument fallacieux souvent avancé par les directions et malheureusement parfois repris par les psychologues : « le médecin connaît mieux le travail du psychologue et est plus à même d’en juger » est infondé au regard du cadre hiérarchique. Il institue un lien de subordination non conforme au statut entre psychologue et corps médical.
Que vise l’entretien annuel ? A faire le point sur les missions du psychologue pour lesquelles il ou elle est employé(e). Alors en quoi un médecin serait le mieux placé pour comprendre le travail du psychologue ? La confusion pour les psychologues vient du fait que l’on substitue la plupart du temps, l’autorité hiérarchique détenue par le Directeur à l’autorité fonctionnelle détenue par le Chef de pôle.
L’autorité hiérarchique, définie à l’article L 6143-7 du Code de la Santé Publique concerne le pouvoir de nomination et de gestion des carrières. S’agissant des psychologues, il s’agit de l’avancement, de la mutation, de la notation, de l’évaluation.
L’autorité fonctionnelle, définie à l’article 6146-8 du Code de la Santé Publique (Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 dite Loi HPST) concerne l’organisation des soins et le fonctionnement du pôle. S’agissant des psychologues, il s’agit de leur affectation dans le pôle, la gestion du tableau de service, la définition des profils de poste, la participation aux plans de formation continue.
Il est en revanche tout à fait possible pour le directeur qui a le pouvoir de notation de prendre des avis, dont celui du chef de pôle, mais cela ne constitue pas une délégation qui autorise ce dernier à « évaluer » et noter le psychologue.
Dans tous les cas, les cadres de santé, qu’ils soient cadre de proximité, cadre supérieur, assistant de pôle ou Directeur des Soins, ne peuvent exercer d’autorité hiérarchique sur les psychologues comme il est rappelé dans la circulaire du 30 avril 2012.
Et pour les contractuels ? Qu’en est-il de l’évaluation dite parfois« entretien professionnel » ? (les dénominations changent selon les établissements, ce qui ne facilite pas les choses !)
Les contractuels ne sont pas notés. Le décret 91-155 du 6 février 1991 dans son article 1-3, modifié par le décret 2015-1434 du 5 novembre 2015 dans son article 4 stipule qu’ils sont soumis à une évaluation annuelle, rebaptisée dans la version actualisée du texte « entretien professionnel ».
Cependant, cet entretien professionnel ne pourra avoir lieu qu’à partir de 2019 suite aux élections professionnelles de fin d’année 2018 qui permettront de créer une commission consultative départementale pour l’étude des recours des agents contractuels.
Les contractuels sont donc fondés à refuser pour cette année 2018 un entretien d’évaluation qui ne s’accompagnerait d’aucun recours possible en cas de désaccord !
Le pouvoir administratif a choisi les personnels contractuels, donc les plus fragiles, pour imposer son objectif d’évaluation qui conditionnera bientôt pour tous la rémunération dite « au mérite », pratique d’assujettissement à laquelle la CGT est totalement opposée.
En outre, il conviendrait que cette évaluation rende compte des moyens (souvent insuffisants) mis en place pour remplir ces fameux objectifs.
L’entretien de formation
Souvent amalgamé à l’entretien annuel professionnel, il vise à déterminer annuellement pour tous les agents (titulaires et contractuels) les besoins en formation et il est le seul qui soit en réalité obligatoire ! Le décret 2008-824 du 21 août 2008 en fixe les modalités dans son article 4, spécifiant que cet entretien doit se dérouler avec le supérieur hiérarchique.
Attention, il est important que l’entretien de formation soit nettement formalisé afin de ne pas glisser vers un entretien d’évaluation !
Conclusion : Quelle réelle évaluation pour les psychologues ?
La circulaire du 30 avril 2012 reprenant celle de 1992 rappelle que la fonction FIR comprend : « un travail d’évaluation prenant en compte la propre dimension personnelle du psychologue, effectué par toute méthode spécifique librement choisie ».
Notre conception de l’évaluation est donc à la fois ancrée dans une dimension subjective, individuelle, mais aussi dans la perspective d’une évaluation collective qu’il s’agit de construire et de proposer dans nos dispositifs de structuration institutionnelle en cours dans certains établissements. Nous sommes cadres de conception, placés sous l’autorité hiérarchique directe du directeur.