Le salaire au mérite, c’est plus juste ?
Intuitivement, on peut penser qu’il n’est pas « normal » qu’un collègue « moins performant » ait la même évolution de carrière qu’un collègue plus « travailleur ». Ce serait le salaire au « mérite ». Et pourtant, les choses ne sont pas aussi simples.
Pour évaluer cet écart, il faudrait une « évaluation objective »
Si je suis en bons termes avec mon N+1, je serai bien sûr mieux évalué qu’un collègue mal vu. Aucune évaluation ne peut échapper à cette subjectivité.
Et comment objectiver le travail d’un soignant ? Il paraît facile d’évaluer du concret (nettoyage d’une pièce, par exemple), du travail purement administratif (ponctualité, transmissions des informations dans cariatides, traçabilité des patients via la pose de bracelets, respect des protocoles, …), du strictement somatique (mesure du périmètre abdominal, administration de médicaments, pansements, …). Mais comment évaluer notre « cœur de métier », notre capacité à entrer en relation avec les patients (variable d’un patient à l’autre), c’est-à-dire notre capacité à soigner en psychiatrie ? Notre cœur de métier, ce sont les sciences humaines, ce ne sont pas seulement des techniques, c’est un art !
Et comment évaluer le travail d’une secrétaire, un technique, qui sont régulièrement en contact avec les patients et contribuent à la qualité de leur prise en charge ?
S’il s’agissait encore de mieux payer les agents !
Mais, là où l’évaluation a été initialement expérimentée, à Loches, pendant que le salaire de certains augmentait, celui d’autres baissait et la masse salariale totale a été réduite
Tous égaux face à l’évaluation individuelle ?
Non, bien sûr. Si je suis contractuel, je n’ai pas la même assise que si je suis fonctionnaire titulaire. Tout le monde en conviendra
Mise sous pression et concurrence généralisée
S’il est de toute évidence utile et même nécessaire de faire le point avec son N+1, en toute quiétude, il n’en va pas de même si mon salaire est en jeu.
Le dispositif d’évaluation individuelle a remplacé l’ancien dispositif d’appréciation et notation qui fonctionnait avec des critères de service public : relations avec les usagers, avec les collègues, tenue, … Le dispositif actuel, bien plus contraignant, mentionne des objectifs à atteindre, ainsi que l’évaluation du savoir-faire, du savoir-être.
Il s’agit donc de mettre la pression tous les ans aux agents (par exemple, dans les CMP, plus d’« actes », plus rapides et garder les patients moins longtemps, et on parle pourtant de « qualité »), voire de se mettre soi-même la pression (via le savoir-être) en intégrant la soumission et le conformisme.
Mon « efficience » et ma « productivité » ainsi mesurées pourront ainsi être comparées à celles de mes collègues, ou d’une unité à l’autre, d’un établissement à l’autre. C’est la mise en concurrence généralisée entre les agents, alors qu’en psychiatrie, nous ne travaillons correctement qu’en collectif, en équipe pluridisciplinaire et en partenariat, et même en institution (cf. Psychothérapie Institutionnelle), avec des techniques et des administratifs qui connaissent bien les patients et le personnel, et s’y adaptent.
Pour ce management néo-libéral de type Amazon, il faudrait sans doute afficher en public le meilleur agent du mois ?
L’efficience réelle est surtout fonction des moyens dont on dispose : personnel en nombre suffisant, stabilité dans les équipes et le planning, cohésion d’équipe, bonne ambiance de travail, outils adaptés, formations suffisantes, temps suffisant, espaces de réflexion clinique, … A quand l’évaluation de l’ARS, de la politique en santé mentale ?
Que veut la direction ?
Après une longue phase d’expérimentation, l’évaluation individuelle est rentrée dans la loi. Avec l’ancienne direction, nous avions obtenu que les avancements de grade se poursuivent à l’ancienneté, et que l’évaluation ne figure qu’en dernier critère. La direction actuelle tente de faire valoir « la valeur professionnelle » en 1er critère, à raison de 75 %. Plus tard, en ira-t-il de même pour la prime de service ? Nous nous y opposons fermement.
La CGT défend le service public. L’hôpital n’est pas une usine à soins. Le soin n’est pas une marchandise. Les agents sont au service des patients, et non d’un rendement financier.
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