La grève intersyndicale suite à la fermeture du pavillon Gentiane ne visait pas à contester la fermeture de Gentiane mais à sensibiliser l’opinion aux raisons de la fermeture de l’unité car cette décision était une mesure de gestion locale nécessaire. Persévérer dans la même direction pendant la période estivale aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour le personnel. Pendant ce temps, le Ministre de l’Intérieur pousse de hauts cris en dénonçant le « ratage psychiatrique ».
Lors de cette manifestation, 125 personnes se sont rassemblées devant l’hôpital, représentant 19 % des agents en grève. En signe de protestation, une symbolique particulière a été utilisée : Gentiane a été « enterrée » avec un cercueil. Cette grève était un mouvement intersyndical, impliquant tous les syndicats de l’établissement, et la problématique de la fermeture d’unités concerne non seulement l’établissement de Sevrey, mais aussi la psychiatrie dans tous les établissements nationaux.
L’objectif principal de cette démarche était de sensibiliser les médias, le préfet ainsi que l’ARS, à qui, pour cette dernière, une lettre a été adressée. Cette grève avait pour but de mettre en lumière des problèmes qui sont à la fois locaux, régionaux et nationaux, en mettant en avant les défis auxquels est confrontée la psychiatrie.
En ce qui concerne la situation médicale, il est important de noter qu’il y a actuellement un déficit de 30 % de psychiatres dans les établissements de santé mentale publics à l’échelle nationale. Les efforts déployés par la direction et la présidente de la CME pour recruter du personnel médical sont salués.
Par ailleurs, une problématique majeure réside dans le fait que l’internat de psychiatrie est de moins en moins sollicité au niveau national. Bien que des informations aient été données au sujet d’une augmentation du numerus clausus au sein des universités de médecine, il subsiste un manque de données précises concernant cette augmentation réelle.
La répartition des internes en psychiatrie pose également problème dans la région Bourgogne, avec 80 % d’entre eux concentrés en Côte d’Or et seulement 20 % répartis sur les trois autres départements.
En outre, l’enseignement de la psychiatrie à Dijon ne semble pas être attractif, et cela se reflète dans le nombre restreint de candidats pour l’internat de psychiatrie. À titre d’exemple, sur les quinze postes offerts dans le cadre de l’internat de psychiatrie, seuls sept étudiants se sont portés candidats. Cette situation est d’autant plus préoccupante que, contrairement à Dijon, tous les postes sont comblés à Besançon.
L’initiative d’adresser un courrier à l’Ordre des médecins et au doyen de la faculté de médecine de Dijon a également été prise pour soulever ces questions cruciales, dont l’ancienneté ne fait qu’accentuer l’importance.
En ce qui concerne le personnel paramédical, il existe actuellement un déficit d’environ 22 infirmiers sur l’établissement. Les départs à la retraite ne sont pas suffisamment compensés pour maintenir un effectif adéquat.
Bien que le numerus clausus pour les infirmiers ait été augmenté au niveau national, environ 15% des étudiants en soins infirmiers abandonnent leurs études, soit un taux trois fois plus élevé qu’il y a dix ans.
De plus, la profession infirmière a perdu de son attractivité. De nombreux infirmiers formés choisissent de s’orienter vers des pratiques libérales, tandis que d’autres quittent complètement la profession pour se tourner vers d’autres secteurs d’activité.
Sur le plan financier, la situation des établissements ne montre pas d’amélioration, principalement en raison du budget de la sécurité sociale voté l’année précédente, qui est inférieur de 2 % à l’inflation. Cela signifie que des mesures d’économie seront inévitables.
La fermeture des unités a des conséquences financières majeures, car cela implique des postes non pourvus, entraînant une économie de 3 336 000 € en charges de personnel. A titre d’exemple, à l’EPSM de Bourges, l’ARS a prévu un débasage de 4 millions d’euros, ce qui constitue un risque financier supplémentaire. Il convient de noter que, pendant ce temps, l’établissement doit continuer à rembourser ses crédits et emprunts.
La politique gouvernementale visant à réduire les hospitalisations pour des raisons de coût a conduit à encourager les placements médico-sociaux en alternative. Le CHS de Sevrey a réagi dès 2016 en mettant en place des solutions telles que la création d’une Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) qui a accueilli 60 patients, mais ces mesures restent insuffisantes car l’ARS favorise désormais l’hospitalisation à domicile, financée par des fonds régionaux et gérée par des équipes mobiles comme UPSIDOM. Cependant, UPSIDOM est uniquement présent dans l’agglomération de
Chalon-sur-Saône, laissant les régions périphériques du département sans accès à ces ressources en raison de contraintes budgétaires. Il s’agit du virage ambulatoire, qui mérite le nom de « dérapage ambulatoire ».
En effet, à l’hôpital de Sevrey, 10 000 patients sont suivis, et sur ces 10 000 patients, il reste aujourd’hui 250 lits, soit 2,5% de la population totale suivie. Parmi ces 250 lits, environ un tiers de ces patients attend une place en MAS, Foyer d’accueil Médicalisé (FAM), ou EHPAD. Environ la moitié des journées d’hospitalisation sont dédiées à des soins sous contrainte. Il s’agit donc, à priori, de patients présentant généralement des troubles complexes, ce qui rend leur maintien à domicile peu envisageable.
Localement, une baisse des effectifs est constatée et cela entraîne des tensions à tous les niveaux hiérarchiques, d’où la « violence institutionnelle. » Cette situation ne découle pas de la nouvelle direction.
Les négociations du Ségur 2, visant à obtenir des financements exceptionnels pour le personnel et l’amélioration des conditions de soins, ont été longues, mais elles ont finalement abouti. Les financements ont été alloués principalement pour la création de postes de personnel médical et administratif, afin de soulager le travail des soignants et d’améliorer la gestion.
Il est donc essentiel de s’assurer que ces embauches et créations de postes, notamment les titularisations, se déroulent rapidement pour soulager le personnel médical, infirmier, et tous les soignants. L’objectif est de fidéliser et attirer des professionnels de toutes catégories, en organisant des concours pour les secrétaires, psychologues, et les services techniques et logistiques. L’urgence de la situation nécessite des actions immédiates, plutôt que d’attendre 10 à 15 ans pour former de nouveaux psychiatres.
Il y a 20 ans, il y avait seulement 4 Unités pour Malades Difficiles (UMD) en France, alors qu’à ce jour, on en recense 10, sans compter les USIP. Cette augmentation des UMD est un constat important à considérer. Il est devenu courant d’orienter les patients difficiles vers ces unités, où ils peuvent bénéficier d’une prise en charge adéquate grâce à un personnel spécialement formé. Malheureusement, le Centre Hospitalier Spécialisé de Sevrey ne peut plus offrir les mêmes conditions en termes de personnel dédié à ces patients. Il y a environ un an et demi, une situation difficile impliquant un patient particulièrement violent a conduit à une action de grève visant à solliciter le transfert de ce patient vers une UMD. Cette démarche révèle ainsi les extrémités auxquelles le CHS est parfois contraint d’arriver.
La loi qui règlemente les contentions et les isolements imposent de lourdes contraintes administratives et son application s’avère très difficile avec les patients souffrant de pathologies archaïques, dont les passages à l’acte violent sont nombreux, compte-tenu de l’état de sous-formation et de sous-effectif de nos forces soignantes.
Notre hôpital se chauffe au gaz dont le prix a été récemment multiplié par 6, pénalisant lourdement notre budget, devenu déficitaire et déjà largement engagé dans la reconstruction de la plupart de nos bâtiments hospitaliers. En effet, contrairement à l’électricité, notre service public ne dispose pas de bouclier tarifaire pour le gaz.
A Sevrey, le dialogue social reste difficile. Des décisions concernant le personnel sont retardées et souvent non actées. De nouvelles contraintes sont introduites qui complexifient le fonctionnement de l’hôpital
Enfin, à l’occasion de la grève suite à la fermeture de Gentiane, nous vous avions alerté, Mr le Député, mais il n’a jamais été possible de vous rencontrer, malgré notre sollicitation. Ce n’est pas à l’occasion d’une rencontre éclair de ¾ heure avec nos directions et nos chefferies de pôle que nous pourrons débattre avec vous de ce que vous pourriez faire pour la défense de notre service de santé public. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas participer à cet évènement dont les fins nous paraissent surtout médiatiques, d’autant plus que le budget de la Sécurité Sociale fraîchement voté par vos soins nous contraint à encore plus d’économies. Il contribuera donc encore à aggraver la situation de l’hôpital. Nous attendons toujours de votre part une véritable proposition de rencontre.
Sevrey, le 15 décembre 2023
Pour la CFDT, pour la CGT, pour FO,
La secrétaire, le secrétaire, le secrétaire,
Elise MARTIN Pierre DU MORTIER Cyril FOLTRAN
Version téléchargeable sur Lettre ouverte à notre député. 20231215